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«Vous ne voulez pas me loger parce qu'il y a trop d'Africains ?» Un Français d'origine ivoirienne privé de HLM pour «mixité sociale».

Mardi, 2 Août, 2005
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Quand il a raccroché le combiné, Frédéric Tieboyou est parti s'allonger. Seul dans sa chambre, il ruminait sa colère. Dix jours plus tard, la rancoeur n'a pas disparu. Elle s'est simplement cachée derrière un sourire en coin. «Les discriminations au logement, j'en avais entendu parler. Mais pour le privé, pas pour les HLM.» Frédéric a 29 ans, en impose physiquement, est français, «parisien depuis toujours». Et noir. C'est ce qui semble avoir empêché cet employé de la RATP d'obtenir la location de l'appartement qu'il convoitait. Un seul coup de fil aura suffi à le désarçonner.

«Vous ne voulez pas me loger parce qu'il y a trop d'Africains ?»
Un Français d'origine ivoirienne privé de HLM pour «mixité sociale».

Par Gilles WALLON
mardi 02 août 2005

 

Quand il a raccroché le combiné, Frédéric Tieboyou est parti s'allonger. Seul dans sa chambre, il ruminait sa colère. Dix jours plus tard, la rancoeur n'a pas disparu. Elle s'est simplement cachée derrière un sourire en coin. «Les discriminations au logement, j'en avais entendu parler. Mais pour le privé, pas pour les HLM.» Frédéric a 29 ans, en impose physiquement, est français, «parisien depuis toujours». Et noir. C'est ce qui semble avoir empêché cet employé de la RATP d'obtenir la location de l'appartement qu'il convoitait. Un seul coup de fil aura suffi à le désarçonner.

Ce jour-là, Frédéric appelle Logirep, une société anonyme de HLM située à Puteaux (Hauts-de-Seine). Cet organisme est le propriétaire d'un trois pièces de 65 m2, à Nanterre, que Frédéric pense investir dans les jours qui suivent. Pourtant, au téléphone, après une visite qui s'est bien passée, on lui annonce que sa demande a été refusée, après étude de son dossier par la commission d'attribution. Lui demande des explications. Eugénie, sa mère, a enregistré la conversation.

Loi contre l'exclusion. «Sur cette tour en particulier, il y a déjà beaucoup de personnes d'origine africaine et antillaise», expose d'une voix assurée la conseillère de Logirep. L'argument étonne Frédéric : «Donc moi, parce que je suis français d'origine ivoirienne, je ne peux pas entrer dans cette tour ?» « Dans cette tour-là, non.» Le ton monte. Frédéric insiste. Repose la même question. Et obtient une réponse similaire. «Vous ne voulez pas me loger parce que vous me dites qu'il y a trop d'Africains, c'est bien ce que vous avez dit ?» «Tout à fait», réitère la conseillère. Inlassablement, elle lui répète le même argument : «Ce n'est pas de la discrimination, mais de la mixité sociale. Référez-vous à la loi contre l'exclusion, article 56.»

Le lendemain, Frédéric reçoit par courrier une confirmation de ce refus. Dans sa lettre, Logirep met en avant, encore une fois, l'article 56 de la loi contre l'exclusion. Voté le 29 juillet 1998, il demande, «dans l'attribution des logements locatifs sociaux», de «favoriser la mixité sociale des villes et des quartiers». Mais le «profil social» de Frédéric semble ne souffrir d'aucune aspérité. Célibataire, sans enfant, le jeune actif a un salaire fixe depuis cinq ans qu'il est guichetier à la RATP. Il «bosse la nuit pour pouvoir mettre de côté». Touche plus de quatre fois le montant du loyer demandé. S'occupe de sa mère, qui vit avec lui depuis toujours. Deux jours plus tard, Frédéric contacte SOS Racisme.

Procès. Leurs déboires n'étonnent pas Samuel Thomas, le vice-président de l'association : «Cette histoire est particulièrement édifiante, mais elle en rappelle beaucoup d'autres. Certains organismes HLM font un énorme amalgame entre mixité sociale et mixité ethnique. Avec un usage abusif de la loi, ils deviennent souvent acteurs de la discrimination.» Lui prépare une action en justice, une procédure qu'il a déjà intentée à de nombreuses reprises. Logirep tente, pour sa part, de détailler son refus : «Il faut prendre en compte notamment l'origine des familles, pour parvenir à un équilibre de peuplement, avance Martine Chastre, directrice générale adjointe. Clairement, ce n'était pas le bon logement pour eux. En plus, il y a une bande de jeunes, en bas, qui les aurait chahutés.» Les Tieboyou voulaient justement quitter leur logement à cause de «voisins trop bruyants». Frédéric ne croit pas aux arguments de Logirep. Lui aussi souhaite un procès.

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=314918

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