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Logement privé : le racisme ordinaire s'informatise

Jeudi, 5 Juin, 2003
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La discrimination au logement est particulièrement fustigée par la loi. Mais la recherche de logement reste néanmoins un terrain fertile pour le racisme au quotidien. C'est le constat que fait SOS racisme dans son dernier bilan contre les discriminations, en épinglant en particulier le « fichage ethnique » pratiqué par certaines agences immobilières.


Dernière mise à jour : jeudi 5 juin 2003

Logement privé : le racisme ordinaire s'informatise

La discrimination au logement est particulièrement fustigée par la loi. Mais la recherche de logement reste néanmoins un terrain fertile pour le racisme au quotidien. C'est le constat que fait SOS racisme dans son dernier bilan contre les discriminations, en épinglant en particulier le « fichage ethnique » pratiqué par certaines agences immobilières.

Le racisme ordinaire, on le savait déjà, ne craint pas de s'étaler « fenêtres grandes ouvertes » sur Internet. Mais il ne craint apparemment pas d'emprunter aussi les voies discrètes de certains fichiers informatiques d'agences immobilières. Il devient ainsi plus feutré, et même pratiquement invisible en s'immisçant dans un logiciel en toute impunité. C'est cette nouvelle dérive que dénonce, entre autres, SOS racisme, dans son dernier bilan d'activité.
Pourtant, dans notre pays, la discrimination au logement est soigneusement balisée par la loi. Pouvoir accéder à un logement décent est un droit fondamental. Un droit qui doit être garanti à toute personne, sans préférence, et cela, quelle que soit son origine. La récente loi de modernisation sociale de janvier 2002 a même introduit dans le droit régissant les rapports entre locataires et bailleurs des dispositions qui réaffirment l'interdiction des discriminations sous toutes ses formes.
SOS racisme dans ce dernier bilan contre les discriminations dans l'accès au logement privé tire, malgré cet arsenal juridique, la sonnette d'alarme. « Sur une centaines de cas recensés, une trentaine de poursuites pénales viennent d'être engagées. Mais il est clair que ces quelques dizaines d'affaires ne constituent qu'un tout petit échantillon des milliers de cas de discrimination au logement sur la France entière » commente Samuel Thomas, vice-président de l'association. En effet, les victimes et témoins d'agissements racistes restent le plus souvent muets et inactifs face à de tels comportements. « Les victimes ne doivent pourtant pas considérer que le racisme est une fatalité. » se lamente Samuel Thomas.
Mais il est vrai qu'aujourd'hui, à leur décharge, les victimes ne sont pas toujours conscientes de ce qui se trame dans leur dos. C'est le cas, avec ce que l'association appelle le « fichage ethnique ». Les agences concernées proposent des listes de logements à louer à leurs clients. Ceux-ci à la recherche d'un logement s'inscrivent et payent pour recevoir ces listes de biens. Jusque là, rien à redire. Mais ensuite, lors de l'enregistrement informatique de l'adhésion du client, l'agence précise à son insu sur la fiche de celui-ci un code racial en fonction de son type ethnique présumé.
Résultat des courses : deux clients qui n'ont pas, par exemple, la même couleur de peau se voient proposer des listes différentes. Énorme au regard de la loi, mais invisible pour le client. SOS racisme a ainsi porté plainte contre l'agence immobilière Mil'Im, qui compte seize agences sur le territoire, pour des agissements de ce type. Cette enseigne franchisée possède actuellement deux agences sur le Rhône, à Lyon et Villeurbanne. La responsable commerciale de l'agence de Lyon dément aujourd'hui toute discrimination et affirme que « le seul critère de sélection est la solvabilité du client. » Une vaste opération de « testing», sur tout le territoire a au lieu en septembre 2001. « A chaque fois, dans toutes les agences, le demandeur d'origine non-européenne obtient systématiquement moins de propositions que son homologue européen. De plus, certaines offres situées dans des quartiers difficiles n'avaient pas été proposées aux demandeurs de logement d'origine européenne » constate SOS Racisme dans son bilan. Sur cette base l'association antiraciste a déposé un certain nombre de plainte avec constitution de partie civile contre les agences Mil'Im dans plus d'une dizaine de villes françaises. Mais la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a été également saisie du dossier. « Il faut que les agences et les propriétaires, pensent que derrière chaque demandeur de logement, il peut y avoir une personne qui fait un testing » explique Samuel Thomas.
YVES PICARD</SPAN

Le témoignage d'Aline

Aline (*) a travaillé sur Paris à l'agence Mil'Im du Bourget, il y a trois ans et demi en recevant une formation de base «sur la mise en place de critères ethniques dans les dossiers». Mais elle formait aussi l'ensemble du personnel des 25 agences qui existaient sur la France à l'époque, dans «la façon de vendre et de reconnaître les codages». En avril 99, elle a demandé sa mutation sur Lyon pour obtenir un poste à responsabilité.
Comment avez-vous découvert ce genre de pratiques?
Au début, quand on travaille dans ce genre de société, surtout sur Paris où la clientèle était à 99 % étrangère. On nous présentait les choses sous un jour positif. Avec comme argument : ces critères sont faits pour protéger nos clients, parce qu'ensuite ils ont des problèmes avec leurs propriétaires. En ajoutant aussi pour se justifier, que la demande venait des propriétaires. Et qu'en définitive ce système évitait une perte de temps pour tout le monde.
Quand vous êtes arrivée sur Lyon, vous a-t-on dit la même chose?
Non, les choses ont été présentées différemment, car l'agence n'avait pas la même clientèle. On ne prenait pas les gens, qui avaient un accent étranger. Mais à Lyon, je suis passée de l'autre côté du tableau, et j'ai vu comment cela se passait. La consigne était : pas de cas sociaux. Nous avions un système de codage, qui allait de un à quatre à marquer dans la rubrique observations. Il existait un codage racial. Mais aussi pour d'autres critères, homme seul, femme seule, avec ou sans animaux etc Mais on insistait surtout sur le code racial. Code un : le propriétaire acceptait tout le monde. Deux : il pouvait accepter ou préférer les maghrébins. Trois : les Français antillais et fonctionnaires. Quatre : seuls les Africains étaient concernés. C'était un peu comme une secte, il fallait apprendre les codes par coeur, sinon on se faisait taper sur les doigts.
D'après vous est-ce que ce codage venait de la demande des propriétaires?
Sur Lyon, j'ai constaté que les propriétaires se sentaient agressés, quand on leur posait ce genre de questions. Il pouvait même réagir violemment en disant « ce n'est pas la couleur des gens qui m'intéresse, mais leur fiche de paie. » Par la suite j'ai même eu l'impression que c'est le système, qui poussait les propriétaires à devenir raciste et non l'inverse. Mais parfois on pouvait faire passer le message, sans qu'ils s'en aperçoivent, en leur posant des questions indirectes.
Le système n'engendrait-il pas certaines absurdités?
Avec les couples mixtes, on ne savait pas comment faire. On nous recommandait de dire « ne visitez pas l'appartement avec votre ami. » J'en ai un peu honte maintenant. Mais on était un peu coincé, avec ce que la direction nous demandait de faire.
Pourquoi avez vous quitté l'entreprise?
J'ai eu des problèmes de santé avec mes cordes vocales, je ne pouvais plus parler. Mais on m'a poussée aussi progressivement sur la touche.
PROPOS RECUEILLIS PAR Y.P.
(*) Prénom d'emprunt.

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