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En Vendée, l'été tranquille d'un camping géré par les jeunes des cités

Jeudi, 8 Août, 2002
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Depuis que la mairie de Saint-Hilaire-de-Riez a confié son terrain municipal à des jeunes encadrés par SOS-Racisme, les bagarres, les vols et la méfiance des touristes ont cessé.

LE MONDE | 08.08.02 | 12h30

En Vendée, l'été tranquille d'un camping géré par les jeunes des cités

Depuis que la mairie de Saint-Hilaire-de-Riez a confié son terrain municipal à des jeunes encadrés par SOS-Racisme, les bagarres, les vols et la méfiance des touristes ont cessé.

 

Saint-hilaire-de-riez (vendée) de notre envoyée spéciale

La nuit venue, le calme s'installe sur le camping des Demoiselles, à Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée). Les plus grands finissent la vaisselle, ramènent quelques enfants égarés à leur tente et se préparent à affronter la nuit. Elle sera longue : rondes, tours de garde à l'entrée, il faudra sans doute parlementer encore pendant des heures avec des irréductibles qui n'ont pas compris qu'aux Demoiselles, les règles ont changé. "Avant, chacun faisait son business dans son coin, explique Hakim, de SOS-Racisme. Les grilles étaient ouvertes, tout le monde pouvait entrer. Mais cette année, on a repris les choses en main." Résultat : "Pas une seule intervention de la gendarmerie depuis le début de l'été", annonce le maire (PS) de Saint-Hilaire, Jacques Fraisse. "Même pas une serviette volée", s'émerveille Laure Barbat, responsable du camping. L'initiative a même été saluée comme "exemplaire" par le ministre délégué à la ville, Jean-Louis Borloo, jeudi 1er août.

Et pourtant. L'année passée, la gendarmerie intervenait quasi quotidiennement : vols, nuisances sonores, bagarres. Tout y passait. Des actes d'incivilité qui, s'ils n'étaient le fait que "de petits groupe isolés", nuisaient considérablement à la réputation de Saint-Hilaire, commune de 9 000 habitants qui accueille chaque été près de 150 000 touristes. Le camping municipal des Demoiselles, deux étoiles, niché au milieu de la pinède, à 250 mètres de la plage, était devenu "l'un des points noirs sur la côte", confie Jean-Pierre Costes, adjoint au maire. Le seul qui continuait d'accueillir les jeunes refusés par les autres campings de la région : trop bruyants. Aux Demoiselles, pas question de pratiquer la sélection. Pourtant, le mot commençait à circuler parmi les habitués et à Saint-Hilaire, beaucoup auraient souhaité voir le camping fermer. Mais la mairie en a décidé autrement, en adhérant au Pajecot, le Plan d'accueil des jeunes dans les communes touristiques, mis en place par le ministère de la ville : 45 700 euros pour ramener la tranquillité. La municipalité, en collaboration avec le camping et la gendarmerie, a décidé de continuer à accueillir les groupes de jeunes aux Demoiselles, à une condition : le soutien de SOS-Racisme, qui a déjà envoyé des avertissements à des campings de la région, soupçonnés de discrimination.

"LES GENS, ILS HALLUCINENT..."

La sonnerie du mobile de Mofid Boucékhine, coordinateur du Pajecot, le suit partout : "880 appels depuis le début du mois. Presque un Numéro vert", soupire-t-il, amusé. Les campings, les boîtes de nuit, la plage : Mofid est partout. Au bout du fil, cette fois, ce sont les jeunes d'Orléans qui appellent pour annoncer leur départ : trop froid, pas assez de filles, ils s'ennuient. Mofid les a rencontrés quelques jours plus tôt. Cela a failli mal tourner : "Ils avaient l'habitude de venir aux Demoiselles. Ils n'ont pas compris que les règles avaient changé." Il a fallu parlementer. A force de patience, ils ont cédé : le droit de planter leur tente en contrepartie du respect des nouvelles règles, et un succès de plus pour Mofid et les 30 personnes qui travaillent à ses côtés, parmi lesquelles une vingtaine de bénévoles. A l'entrée du camping, les "lascars", à la carrure imposante, assurent le service de sécurité. Des champions de boxe habitués à discuter avec les jeunes des cités. Ils parlent. Beaucoup. Et tentent de convaincre. Les campeurs apprécient : "Au début, ils avaient un peu peur, ils se demandaient ce qu'on leur voulait", se souvient Olivier. Mais à force de "bonjour", "bonsoir", "on peut vous aider", ils se sont laissé convaincre. "Les gens, ils hallucinent quand ils voient les petits jeunes des cités leur proposer de l'aide pour les courses ou pour la vaisselle", confie Hakim. Il se souvient de cet homme qui est venu les voir : "Il m'a dit qu'il avait voté FN aux dernières élections. Qu'il regrettait, qu'on lui avait montré que ce n'était pas un vote utile, que les jeunes des cités étaient capables de se prendre en main."

"DE TOUTES LES COULEURS"

Dans une grande tente, allée des Potes, des bénévoles accueillent les campeurs. On y parle du racisme, de la discrimination, de l'égalité, de la liberté... Les plus jeunes dessinent. Arthur écrit : "De toutes les couleurs, l'homme reste l'homme, alors ne faites pas de différences." Une scène est arrivée de Paris. Au programme : débats, concerts...

Depuis quelques jours, les jeunes de Saint-Hilaire se sont joints à l'opération "Vacances solidaires". Beaucoup ne partiront pas cet été. La saison bat son plein dans la station balnéaire, leurs parents ont trop de travail. Au début, ils n'ont pas compris le choix du maire : "Accueillir des jeunes délinquants à Saint-Hilaire !" Pourtant, le mélange province et banlieue a pris. Les jeunes de Saint-Hilaire ont rencontré des jeunes de Belfort. Ils en parlent encore. David Michaud, responsable de la Maison des jeunes, est rassuré : "C'était très important pour eux, qui vivent dans une région enclavée et fantasment beaucoup sur les grandes villes." Rendez-vous a été pris pour l'été prochain : les jeunes de Saint-Hilaire sont invités aux Eurockéennes de Belfort. Et cela donne des idées à Mofid : "Si les jeunes des cités sont capables de gérer un camping, pourquoi ceux de Saint-Hilaire ne reprendraient-ils pas le flambeau ?"

Anne-Françoise Hivert

Les "testings" antiracistes se poursuivent

En janvier, le tribunal de Saintes (Charente-Maritime) a condamné le camping Les Chênes, à Médis, au versement de 1 525 euros d'amende pour discrimination raciale. Une première victoire pour SOS-Racisme, en attendant la décision du tribunal de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 27 août, concernant le camping de L'Oasis, à Pornichet – contre les responsables duquel le parquet a requis de trois à quatre mois de prison avec sursis. Les opérations de "testing", qui consistent à prendre les responsables des campings en flagrant délit de discrimination, se poursuivent. Ce qui n'est pas toujours facile, selon Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme, car "beaucoup de victimes n'insistent pas et changent seulement de camping pour ne pas gâcher leurs vacances". Samuel Thomas dénonce de nouveaux modes de discrimination à l'encontre des groupes de jeunes interdits de séjour dans certains campings parce qu'ils refusent de payer des cautions exorbitantes.

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.08.02

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