Discriminer peut coûter une carrière politique
Justice. Le tribunal de Vienne vient de condamner Gérard Dezempte, le maire (UMP) de Charvieu-Chavagneux (Isère), à trois ans d’inéligibilité pour discrimination au logement. Une première. Si la condamnation est confirmée en appel, il sera contraint à la démission.
La
justice n’a pas tremblé. Le tribunal de Vienne a condamné le
maire (UMP) de Charvieu-Chavagneux à trois ans d’inéligibilité
pour avoir usé de son droit de préemption afin d’empêcher un
couple aux origines maghrébines, les Ghezzal, d’acquérir une
maison située sur le territoire de sa commune. Lors du procès du 18
octobre, le tribunal a rejeté la défense du maire et de son adjoint
à l’Urbanisme (lui aussi poursuivi mais finalement relaxé). Selon
Gérard Dezempte, acquérir la maison était une opportunité afin
d’installer un local associatif dans le quartier ; idée qu’il
aurait finalement abandonnée, compte tenu de la situation financière
délicate des vendeurs. Sûr de son bon droit, il a fait appel. Cette
décision reste une première en matière de discrimination au
logement. Le juge est allé au-delà du réquisitoire du parquet, qui
n’avait pas demandé l’inéligibilité. Si la condamnation est
confirmée en appel, Gérard Dezempte devra démissionner de son
mandat de maire et de conseiller général.
Avec ce jugement, la
justice envoie un signal fort à tous ceux qui sont tentés de suivre
l’exemple du maire de Charvieu-Chavagneux : appliquer la
“préférence nationale ou ethnique” peut coûter une carrière
politique. Un message qui arrive à point nommé, la semaine où le
Premier ministre, Dominique de Villepin, lance une batterie de
mesures pour lutter contre les discriminations en décrétant 2006
“année de l’égalité des chances”.
La justice siffle
peut-être la fin de partie pour un maire que le Front national ne
renierait pas. Quand ce “gaulliste” accède en 1983 à la mairie
de Charvieu-Chavagneux, il a la volonté de mettre en application à
sa façon cette phrase du général : “Nous sommes avant tout un
peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de
religion chrétienne” (voir Le cas Dezempte : déjà un lourd
dossier nauséabond). En 1989, il se fait nationalement connaître
par la destruction par erreur de la mosquée. En 1997, il se vantait
d’avoir fait baisser de 70 % à 38 % le pourcentage d’étrangers
dans les HLM de la commune. Conséquence : les populations aux noms
“connotés” ont toutes les peines du monde à se reloger dans les
HLM de Charvieu. Quand ces personnes veulent construire, on refuse
parfois leur permis de construire. Quand elles veulent acheter,
certains font la même expérience que les Ghezzal : la mairie
préempte.
En attendant que la décision de justice devienne
définitive, certains, comme Azedine Haffar, président de l’Aneb
(Association nationale des élus de banlieues), en appellent à son
exclusion de l’UMP. Lyon Capitale a cherché à savoir ce qu’en
pensait Alain Carignon, ami de Gérard Dezempte et président de
l’UMP Isère, mais ni lui, ni le maire de Charvieu-Chavagneux n’ont
souhaité nous répondre. Dans l’immédiat, comme le confiait
Chantal Brême, chef de file de l’opposition municipale (Divers
Gauche) à Charvieu : “Cette décision fait du bien à de nombreux
habitants. Déjà, on a pu remarquer moins de préemptions, comme si
Dezempte avait anticipé cette décision de justice qui pesait sur
lui.” Malgré les 80 % obtenus par la liste de l’actuel maire
lors des municipales, l’opposition pourrait reprendre plus
rapidement la main, si Dezempte est contraint à la démission.
© Rolland Quadrini / KR Images Presse
Laurent Burlet
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