ELECTION PRESIDENTIELLE.
Jean-Marie Le Pen rêve d'une crise générale
Le leader du Front national en est persuadé : comme en 2002, il sera au second tour de la prochaine présidentielle. Comment, à 78 ans, celui qui a fait fortune en politique se prépare-t-il à ce nouveau combat ?
A
SIX MOIS d'une élection présidentielle, les instituts de sondage ne l'ont jamais
situé aussi haut dans les intentions de vote (entre 12 % et 15 %). Le
traumatisme du 21 avril 2002 hante le débat électoral, conditionne les
comportements des présidentiables. A droite comme à gauche, Jean-Marie Le Pen
obsède. On jure de le combattre et les thèmes chers au Front national
occupent la scène : ordre, sécurité et immigration. « La lepénisation des
esprits est si forte que Le Pen n'a rien à faire pour augmenter sa
popularité, admet Olivier Martinelli, son directeur de cabinet. Il campe sur
une posture tranquille, en s'ouvrant aux électeurs de toutes origines, de
toutes religions. » Replié dans son hôtel particulier de Montretout, à
Saint-Cloud, Jean-Marie Le Pen, 78 ans, « se voit déjà au deuxième tour »,
nous a-t-il confié. On l'entend peu. C'est sa stratégie. Dans son bureau,
entouré de ses reproductions de bateaux et des statues de Jeanne d'Arc, le
leader du Front national prépare son cinquième et ultime combat pour la
présidentielle en jouant au « père rassembleur de la Nation qui part en
miettes ». Pour le moment, au FN, l'impératif reste de récolter les 500
signatures. « Pour ne pas effrayer ses parrains, il veille à ne pas faire le
moindre dérapage, analyse Lorrain de Saint-Affrique, son ancien conseiller en
communication. Mais, dès qu'il aura ses signatures, il fera une nouvelle
provocation. Il n'a pas changé. Il demeure l'élément de transgression
collective et de rejet du système. Le Pen aime peindre le monde plus noir
qu'il ne l'est. » Il reste fidèle à lui-même : l'immigration est toujours,
selon lui, le problème numéro un de la France. Ses proches ne font pas dans la
dentelle. « Pour nettoyer les banlieues, il faut mettre de l'argent dans le
scoutisme et les mouvements de jeunes, tonne Roger Holeindre, membre du
bureau exécutif du Front national. Pas besoin de pistes de danse mais il faut
les mettre au kayak et à la varappe. » En 2006, Le Pen évite les dérapages.
Il veut faire oublier le climat de violence qui a entouré son parcours
personnel et celui du parti qu'il a cofondé en 1972. Mais les provocations ne
sont jamais loin. Il reste toujours sous la menace d'une condamnation
judiciaire pour avoir déclaré, dans l'hebdomadaire d'extrême droite « Rivarol
» en janvier 2005, que « en France, l'occupation allemande n'avait pas été
particulièrement inhumaine ». Il a été entendu par un juge d'instruction mais
le procès n'aura lieu qu'en juin. « Nous aurions préféré qu'il se tienne
pendant la campagne présidentielle pour que les Français sachent à qui ils
ont affaire ! » regrette Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme.
Opération séduction
Secrétaire général de la Licra,
Richard Serero, reste, lui aussi, persuadé que « Le Pen est un danger pour la
démocratie. Je veux avoir confiance en mes concitoyens. J'espère qu'ils ne
feront pas deux fois la même erreur ». Dans le clan Le Pen, sous l'influence
grandissante de sa fille Marine, on veut normaliser l'image pour convaincre
les Français que le FN peut devenir un parti de gouvernement. Tout est en
place pour l'opération « séduction » : discours travaillés à la lettre ,
régimes minceur en Suisse pour convaincre que Le Pen reste jeune et grand
pardon dans sa famille jadis déchirée. Pendant ce temps, le millionnaire de
Saint-Cloud veille à faire fructifier son patrimoine, quitte à s'associer avec
un partenaire sulfureux dans une société de Champagne ! A six mois du premier
tour de la présidentielle, nul ne sait mesurer la capacité de rassemblement
de Jean-Marie Le Pen. « L'actualité anxiogène travaille pour lui, prévient
Jean-Yves Camus, auteur d' Extrémisme en France. Le vrai enjeu est de
faire revenir 20 % de l'électorat français dans le jeu républicain. »
Marc Payet et Karim Nedjari
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