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A la marche blanche : «Une vieille dame... Horrible. Absurde.»

Jeudi, 29 Mars, 2018
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Par leur présence massive à l'hommage à l'octogénaire à Paris, les Français ont voulu montrer que la solidarité va bien au-delà la communauté juive.

Elles se sont assises côte à côte sur un banc place de la Nation, l'oeil rivé sur l'amorce de l'avenue Philippe-Auguste (Paris XIe) qu'elles ont décidé de remonter jusqu'au domicile de la vieille dame  «sauvagement assassinée». Les deux banlieusardes se connaissent depuis un quart d'heure. Darcilia a arrêté Maïtena à la sortie du métro pour lui demander son chemin. C'est sa première manif. «J'avais envie d'être là, à ma place, dit la quinquagénaire avec son accent portugais chantant.  Il faut montrer qu'on est là, juifs, musulmans, catholiques. Ensemble.» Native du XIVe et vivant dans l'Essonne, Maïtena raconte que sa «grand-mère était une Juste, impliquée dans une période difficile et dangereuse. Elle m'a raconté. Ça me fait mal au coeur cet antisémitisme rampant. Les juifs de France sont des Français.»

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Autour d'elles, des centaines de personnes se pressent désormais. Une foule hétérogène d'individus qui, souvent, ont convergé en solitaire. Bonnet gris vissé sur le crâne, Jonathan, plombier de 29 ans, est venu d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ce juif pratiquant qui  «a grandi avec les musulmans» a répondu à l'appel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et d'autres associations, mais il ne connaît personne.  «Il faut juste montrer qu'on n'est pas tout seul à être scandalisé», sourit-il. A quelques pas, venu de Montreuil, seul lui aussi, Bernard, 73 ans, contient avec peine son émotion. L'assassinat de Mireille Knoll fait remonter des vieux souvenirs.  «La guerre d'Algérie», murmure-t-il, prenant les mots pour des phrases.  «Les attentats. L'antisémitisme. Une vieille dame. Horrible. Absurde.» Le matin, il a écouté le discours du Président aux Invalides en hommage à Arnaud Beltrame, sa dénonciation de l' «obscurantisme barbare» qui a frappé Mireille Knoll «parce qu'elle était juive» .  «C'était équilibré, sincère, émouvant.» Kévin, lui, a hésité.  «J'ai longtemps pesé le pour et le contre avant de venir, admet ce musulman de 33 ans, fonctionnaire territorial.  Sur Facebook, j'ai vu l'appel du Crif, de la Licra, des partis, et je me suis dit qu'il y en aurait encore un pour instrumentaliser le drame [...]. Et puis j'ai vu passer le témoignage du fils de la défunte sur les réseaux sociaux. Je me suis dit que c'était l'appel du coeur.» 

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A quelques mètres, des militants antiracistes de la Maison des potes sont plus remontés. Ils ont interrompu leur tournée d'éducation contre le racisme, l'antisémitisme et le sexisme dans les écoles et centres sociaux d'Ile-de-France pour participer à la marche. Ils ne cachent pas leur inquiétude devant l'abandon de toute pédagogie auprès des jeunes.  «Les travailleurs sociaux évitent le sujet de peur de déplaire aux élus, et les profs ne se sentent pas soutenus», dénonce Samuel Thomas, le délégué général, choqué d'avoir à défiler aux côtés de Le Pen «et toute cette bande du FN» . Les frontistes sont pourtant là aussi, mélangés à la foule hétérogène. L'un d'eux, juif pratiquant, clame haut et fort au coeur de la marche blanche :  «Ces assassinats, Knoll et avant Halimi, on sait tous qui c'est, d'où ça vient. Mais avec ces lois, on est obligé de fermer notre gueule.» Autour de lui, le vide se fait.

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