Aller au contenu principal

egal.fr

 banniére

Lutte pour l'égalité : contre les discriminations, médiation ou procès

Jeudi, 10 Janvier, 2008
Logo
Logo
Samuel Thomas: "Le caractère public est plus important que le montant de l'indemnité"

Les tribunaux n'ont pas fait preuve, jusqu'à présent, d'un grand volontarisme en matière de lutte contre les discriminations. Chaque année, ils prononcent moins d'une vingtaine de condamnations, pour des centaines de plaintes. Depuis son lancement en mai 2005, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) offre toutefois une autre voie de recours : la médiation. Plus qu'ils ne se concurrencent, ces deux modes de résolution des conflits se complètent. D'ailleurs, la Halde ne s'interdit pas de saisir elle-même la justice : depuis 2005, elle a saisi 90 fois le parquet.

Lutte pour l'égalité : contre les discriminations, médiation ou procès

LE MONDE | 10.01.08 | 15h24  •  Mis à jour le 10.01.08 | 15h24

 

Les tribunaux n'ont pas fait preuve, jusqu'à présent, d'un grand volontarisme en matière de lutte contre les discriminations. Chaque année, ils prononcent moins d'une vingtaine de condamnations, pour des centaines de plaintes. Depuis son lancement en mai 2005, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) offre toutefois une autre voie de recours : la médiation. Plus qu'ils ne se concurrencent, ces deux modes de résolution des conflits se complètent. D'ailleurs, la Halde ne s'interdit pas de saisir elle-même la justice : depuis 2005, elle a saisi 90 fois le parquet.

Procès ou médiation ? Selon la discrimination et ce qu'elle recherche, la victime peut privilégier l'une ou l'autre de ces voies de recours. La procédure judiciaire est lourde et longue - elle peut prendre plusieurs années. Surtout, en matière de discrimination, la principale difficulté réside dans l'administration de la preuve. Et, même quand celle-ci est fondée, les peines prononcées par le juge sont peu dissuasives : un mois d'emprisonnement avec sursis, pour les plus lourdes. La plupart du temps, elles se limitent à une amende allant de 300 à 3 000 euros, avec ou sans sursis.

"RÈGLEMENTS À L'AMIABLE"

"Le caractère public est plus important que le montant de l'indemnité", soutient Samuel Thomas, vice-président de SOS-Racisme, qui déplore les lenteurs et les réticences de la justice à instruire les affaires de discriminations mais n'en estime pas moins essentielle sa saisine. "L'engagement de poursuites judiciaires et la tenue de procès publics ont une vertu pédagogique très importante, souligne-t-il. Car les poursuites, par leur publicité, ont un impact sur ceux qui commettent le même délit, permettant une prise de conscience générale."

Une des décisions de justice les plus exemplaires est celle de la cour d'appel de Paris condamnant le 6 juillet 2006 pour discrimination raciale à l'embauche la société d'intérim Adecco et l'entreprise Garnier (groupe L'Oréal) à 30 000 euros d'amende. L'affaire méritait un procès, car non seulement il existait un élément de preuve via la mention "BBR" (Bleu, blanc, rouge) trouvée sur des documents échangés entre les entreprises, mais elle concernait un ensemble de victimes. Or la médiation, elle, ne peut se faire qu'entre un discriminant et une victime.

Le choix entre médiation et procès est aussi fonction de ce que souhaite la victime : une sanction exemplaire pour que cela ne se reproduise plus ou une amélioration de sa situation personnelle en réparation au préjudice subi. Dans le premier cas, si la preuve de la discrimination est apportée, le choix du procès s'imposera, la décision d'un tribunal ayant plus d'écho que la médiation. En revanche, si la personne cherche surtout une réparation individuelle, elle optera pour la médiation.

Plus rapide (trois mois peuvent suffire), cette dernière permet, par le dialogue, de lever les réticences du discriminant, de surmonter ses préjugés et de le convaincre que son attitude n'est pas justifiée. "La médiation fait de la pédagogie à l'égard du discriminant, mais permet aussi d'imaginer une réparation allant au-delà de la sanction financière, relève Luc Ferrand, directeur juridique de la Halde. Elle permet, par exemple, d'expliquer à un bailleur qu'il a d'autres moyens d'obtenir des garanties que de refuser une location à un célibataire en CDD, et d'obtenir de lui un relogement de cette personne."

Le tribunal n'a pas non plus la capacité d'exiger des excuses du discriminant à la victime, qui est une des premières demandes. Et la perte d'un procès est toujours un moment délicat pour l'acteur de la discrimination qui s'entend dire par le juge qu'elle a tort ou qu'elle a menti.

"Le tribunal a pour rôle de fixer l'interdit, d'infliger des sanctions exemplaires et dissuasives, un rôle essentiel dans une société, souligne Luc Ferrand. Il n'est pourtant pas nécessaire d'avoir beaucoup de décisions des tribunaux pour que cela fasse sens : mieux vaut quelques décisions de justice fortes et de bons règlements à l'amiable qu'une série d'échecs en justice."

 

Laetitia Van Eeckhout

Une simplification de la preuve

En application des directives communautaires, la loi du 30 décembre 2004, qui crée la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), a introduit en droit français l'aménagement de la charge de la preuve, en matière civile. Ainsi, un salarié qui se plaint de discrimination devant les prud'hommes doit simplement présenter des indices de cette discrimination (attestations de collègues, comptes rendus de réunions, fiches de paie...). L'employeur, lui, devra justifier que son comportement ou sa décision sont étrangers à toute discrimination.

Dans le cadre de la résolution de conflits, que celle-ci passe par la médiation ou la justice, la Halde aide la victime à trouver les meilleurs éléments de preuve. Cette aide est gratuite. Actuellement, une campagne d'affichage tente de mieux faire connaître le rôle et les actions de cette institution présidée par Louis Schweitzer, ancien président de Renault.

 

Références

Les lois qui punissent les discriminations.

Code pénal : articles 225-1, 225-2 et 225-3.

Code du travail : article L 122-45.

Loi Mermaz sur les baux d'habitation, pour les affaires concernant le domaine du logement.

Loi Auroux de 1983, pour les affaires concernant les fonctionnaires.

Pour joindre la Halde.

Par téléphone, pour toute information : 08 10 005 000.

Par courrier, pour la saisir : 11, rue Saint-Georges - 75009 Paris

Par courrier électronique : contact@halde.fr

Site Internet : www.halde.fr.

 

Article paru dans l'édition du 11.01.08

Publier un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.