Les discriminations
à l'embauche ne faiblissent pas, selon SOS Racisme
Ikea, Monoprix, Adecco, le Moulin Rouge…Plusieurs groupes à
forte notoriété figurent dans le rapport de SOS Racisme, à côté de PME
artisanales ou de commerce de détail. Souvent, les auteurs de discriminations
renvoient la responsabilité de leurs actes sur leurs clients, soit parce
qu’ils ont voulu «satisfaire
leur demande», soit pour « l’anticiper ». Les métiers en
contact direct avec la clientèle sont le plus touchés par des demandes de type
« BBR » (pour Bleu Blanc Rouge), ou « français pure white ».
Une agence d’hôtesses, par exemple, pratique ce type de recrutement. Le
rapport cite l’exemple de l’agence Daytona, située à Levallois-Perret, dont
les plaquettes internes destinées aux DRH régionaux portent la mention « nationalité française et pure
white ». « Pour
sélectionner ses intérimaires en fonction de leur couleur de peau, Daytona a
mis au point une code spécifique – « O » 1 pour origine européenne, « O » 2
pour origine maghrébine, « O » 3 pour « noirs », etc-.
La discrimination s’exerce aussi pour la vente par téléphone…
La société Impact Marketing à Lyon a par exemple pour consigne de recruter
uniquement «des
personnes ayant un nom français, italien ou espagnol ». Dans
le secteur du marketing, «les
entreprises cherchent des salariés capables d’anticiper les comportements des
consommateurs. Certaines entreprises pensent qu’un bon responsable marketing
doit être originaire de
LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION
Toute personne s’estimant victime de discrimination en
France peut désormais saisir par écrit la Haute Autorité
de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).
Son adresse :
Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité
(HALDE)
11-15 rue Saint Georges
75009 Paris
Créée fin 2004, elle entrera vraiment en fonction le 1er
juin 2005. A
partir de début avril, un téléphone : 08 1000 5000 (coût local à partir
d'un poste fixe) permettra de donner des renseignements.
France Métropolitaine depuis plusieurs générations pour bien connaître le comportement français en matière de consommation », explique le rapport. C’est ainsi que le groupe BASF, dans une annonce publiée en interne, précisait le profil des candidats à ce type de poste en indiquant la mention «french native». Le rapport regorge d’exemples similaires, la technique la plus souvent employée étant celle du fichier codé, électronique ou manuscrit…Les intranet des entreprises, sur lesquels circulent les offres d’emploi, fournissent également des preuves de discriminations. Parfois, il arrive que ces offres soient envoyées…par fax. SOS Racisme cite par exemple le cas d’Adecco Districom, qui cumule les critères discriminants dans un fax demandant « des jeunes femmes de 18 à 22 ans, taille 40 maxi, BBR » pour des emplois d’hôtesses de vente.
« Pas de réels changements dans les pratiques »
L’association recourt à différents moyens pour recueillir ces
preuves : huissiers de justice et inspecteurs du travail sont en effet
habilités à saisir les fichiers internes et à vérifier les témoignages
recueillis par SOS Racisme. La méthode du testing, qui consiste à envoyer
deux CV semblables, l’un avec un nom à consonance étrangère et l’autre avec
un nom typiquement français se révèle également efficace pour « établir des flagrants délits
de discriminations », selon l’association. Reste ensuite à
convaincre les victimes de porter plainte, ce qui n’est pas toujours facile.
Par peur de représailles, du chômage ou de la longueur d’une procédure
judiciaire à l’issue incertaine, certaines d’entre elles préfèrent
abandonner. Dans les entreprises, c’est parfois la « loi du
silence » qui bloque les dossiers. Chez Cegetel, l’inspectrice du
travail envoyée par l’association a ainsi découvert que les syndicats, alertés
sur une offre d’emploi discriminatoire circulant sur l’Intranet, ont préféré
se taire… « Ils
auraient renoncé à la cause antiraciste lorsqu’ils ont obtenu une meilleure
négociation de l’entrée en vigueur de la loi sur les 35 heures »,
explique le rapport. Du côté des entreprises incriminées, les réactions
varient selon la « culture interne ». « Certaines sont dans le déni,
d’autres au contraire mettent en place une politique interne de
sensibilisation, explique Samuel Thomas, auteur du rapport de SOS
Racisme. La peur du
procès est significative, même si les peines prononcées ne sont pas
dissuasives. Ikea a été condamnée à 15 000 euros, une somme qui ne
représente même pas 1 heure de son chiffre d’affaires. Aux
Etats-Unis , ce type de condamnations se chiffre en millions de dollars ».
Les réactions des entreprises condamnées sont parfois
extrêmes. La gérante d’un magasin a ainsi ouvertement revendiqué sa politique
discriminatoire lors de son procès. Chez Ikea, c’est davantage le déni qui
règne, « les dirigeants
se sont totalement déchargés sur leurs subordonnés, explique SOS
Racisme. Ils sont
parvenus à convaincre le tribunal qu’ils n’étaient pas responsables des actes
discriminatoires commis par les salariés de la société ».
L’agence Adecco, chez qui SOS Racisme a saisi des fichiers éthniques, avait
pour sa part pris des engagements, mais il s’est avéré que les pratiques
discriminatoires ont ensuite perduré.
Quoi qu’il en soit, la multiplication des actions judiciaires
engagées par SOS Racisme semble jouer un rôle d’alerte parmi les employeurs.
Plusieurs entreprises ont en effet été condamnées au pénal et certains
employeurs se sont vus infliger des peines de prison. Mais l’association
estime que « la
réalité des changements de pratiques n’a pas lieu. Le phénomène des fichiers
ethniques perdure, explique Samuel Thomas. Certaines entreprises embauchent
des minorités visibles mais continuent par ailleurs à pratiquer les
discriminations à l’embauche pour d’autres postes ».
Le rapport a été remis le 21 mars à la Haute autorité de lutte
contre les discriminations, dirigée par Louis Schweitzer, l’ancien PDG de
Renault.
Véronique
Smée
Mis en ligne le : 21/03/2005
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