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Statistiques ethniques : un outil de lutte contre les discriminations ?

Mardi, 12 Septembre, 2006
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Samuel Thomas: " Cela reviendrait à assigner à un individu un comportement et une identité en vertu de sa seule origine ethnique, ce n’est rien d’autre que du racisme »

Mesurer l’intégration des secondes générations turques et marocaines. C’est ce que compte entreprendre l’Institut national d’études démographiques (INED). Une étude qui n’est pas sans faire resurgir la polémique sur les statistiques ethniques.

   

Statistiques ethniques : un outil de lutte contre les discriminations ?
Le 12/09/2006 à 7 h 00 - par Sandrine Issartel

 

La question n’est pas de toute primeur. Voilà une dizaine d’années déjà que des chercheurs, des démographes et des statisticiens en débattent. En 1992, l’association Pénombre qui entend ouvrir « un espace public de réflexion sur l’usage du nombre dans les débats de société »,  présentait son travail sur le thème « Enquêtes et origines ». En décembre 1998, Christine Bonnays et Francis Judas, respectivement de la CFDT et de la CGT de l’INSEE, s’insurgeaient contre la volonté d’introduire au recensement de mars 1999 les catégories dites « ethniques ». Ils y voyaient l’instrumentalisation de l’outil statistique à des fins politiques. Par « ethnique », entendons toute variable faisant état de l’origine d’une personne, qu’il s’agisse du lieu de naissance ou de la nationalité de ses parents, de la langue parlée à la maison, de la consonance du patronyme…

La question resurgit en février dernier. Au lendemain des émeutes des banlieues de novembre 2005, Nicolas Sarkozy plaide pour pouvoir faire mention de statistiques ethniques dans les fichiers, ce qui, en France, est interdit par la loi.

C’est la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui fixe le cadre juridique pour toutes les enquêtes nécessitant des informations dites « sensibles », c’est-à-dire révélant l’appartenance d’un individu à une religion, une ethnie, un syndicat…, ainsi que son état de santé et des pratiques sexuelles. La CNIL peut autoriser l’usage de telles données, à condition que le recours à ce type d’informations soit nécessaire à l’objectif de l’enquête, et que cette dernière soit d’utilité publique. 

Plein de « bonnes intentions », le ministre de l’Intérieur y voit un moyen de mieux connaître la diversité et de lutter contre les discriminations. « Faire la transparence », disait-il. Et en matière de transparence, le ministre de l’Intérieur avait quelques longueurs d’avance. Le 24 février, le Monde publiait une étude réalisée par les Renseignements généraux, datée du 6 janvier 2005. Selon cette enquête, les chefs de bandes seraient très majoritairement des Français issus de l’immigration. Le 22 août, SOS Racisme déposait une plainte avec constitution civile contre X pour le fichage supposé de délinquants selon des critères ethniques par les RG.

Aujourd’hui, c’est l’INED qui s’attire les foudres des opposants de la statistique ethnique. Le 18 juillet, la CNIL et le ministère de l’Education nationale ont autorisé l’INED à participer à l’enquête sur « l’intégration des secondes générations en Europe ». Cette étude européenne, coordonnée par un institut néerlandais, implique le traitement informatisé auprès de personnes nées en France, dont au moins un parent est originaire de Turquie ou du Maroc, afin de mesurer leur intégration.

Là encore le débat est houleux et passionné, entre les partisans de la connaissance de la population dans sa diversité, et les défenseurs acharnés de l’universalisme républicain. D’un côté, ceux qui ont succombé à la tentation d’importer en France le modèle anglo-saxon, pour mieux cibler les discriminations, se rangent derrière le démographe de l’INED Patrick Simon. De l’autres, ceux qui pensent, comme le sociologue de l’INED, Alain Blum, que les statistiques ethniques ne sont pas un outil de lutte contre les discriminations, bien au contraire.

François Héran, le directeur de cet institut, tient à clarifier le débat. D’abord, il faut distinguer deux types de fichiers. « Il y a les enquêtes de la statistique publique, et les fichiers administratifs et de gestion ». D’un côté, des informations anonymisées, recueillies à des fins de connaissance, et qui n’ont aucune incidence sur la vie des personnes interrogées. De l’autre, des fichiers nominatifs. Pour ce dernier, les enquêtes statistiques « pourraient permettre d’établir l’ampleur des discriminations ».

Il tient également à faire l’état des lieux de la statistique française. « Déjà plusieurs enquêtes ont fait état d’informations relatives à l’origine, culturelle, géographique, des personnes. Le recensement national, lui-même, prend en compte l’indicateur de nationalité depuis 1962. L’enquête ‘emploi 2005’ de l’INSEE permettait d’identifier les enfants d’immigrés ». Ce n’est donc pas l’existence de la « variable ethnique » qui pose problème mais l’usage que l’on en fait. Et quant à savoir si les fichiers de l’Education nationale, des offices de HLM, ou des prisons, peuvent intégrer cette variable, « cela relève du débat politique et citoyen », conclue-t-il.

Les associations de défense des droits de l’homme et de lutte contre les discriminations ont donc leur mot à dire. Mouloud Aounit, Président du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) n’y voit qu’un « dispositif dangereux qui amènera à catégoriser, à trier et donc à stigmatiser les populations concernées », ainsi qu’un « outil supplémentaire dans le dispositif sécuritaire du gouvernement ». Moins catégoriques SOS Racisme et la Ligue des droits de l’homme (LDH), ne condamnent pas la présence de variables ethniques dans la statistique publique, à condition qu’elle ne se substitue en aucun cas aux variables de type social. Car « cela reviendrait à assigner à un individu un comportement et une identité en vertu de sa seule origine ethnique, ce n’est rien d’autre que du racisme », note Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme.

Tous, en tous cas, sont unanimes : la statistique ethnique n’est pas une nécessité dans la lutte contre les discriminations. « La question n’est pas d’identifier le mal, s’insurge Mouloud Aounit, mais de se donner les moyens de le combattre ». Car pour Jan-Robert Suesser, de la LDH, « la question essentielle, ce n’est pas les chiffres, mais l’action publique, et l’absence de chiffres devient même un prétexte à la retarder ». Le mot est lâché, et il y a fort à parier que la question soit à nouveau mise sur le tapis en cette période de campagne présidentielle. Et comme il le rappelle à juste titre : « Voilà des années que l’on sait combien de femmes sont sur le marché du travail. Si la statistique était un moyen de lutter contre le sexisme, ça se saurait ! ». A bon entendeur…

 

 

 

LES REACTIONS

 

 

1 internaute a reagi à cet article

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"Statistiques ethniques : un outil de lutte contre les discriminations ?"

 

Le 12 septembre 2006 par teric
L'objectif de ces statistiques : savoir si oui ou non, les immigrés sont délinquants, et en fonction du pays d'origine. C'est intéressant, n'est-ce pas ?

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