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L'arrestation mortelle ne touche pas les juges. Relaxe ou sursis pour les policiers qui avaient tué Manoka.

Jeudi, 6 Juillet, 2000
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«Ils l'ont tué comme un chien et demain ils seront à nouveau dans la rue pour exercer.» Ecoeurée, Virginie Houzet ne comprend pas ce qui a pu motiver le tribunal à ordonner des condamnations aussi légères et des relaxes dans le dossier du décès de son mari, Sydney Manoka, un boxeur d'origine zaïroise mort à 27 ans lors d'une intervention policière musclée en novembre 1998 à Tourcoing.

L'arrestation mortelle ne touche pas les juges.
Relaxe ou sursis pour les policiers qui avaient tué Manoka.

HAMOIR Olivier

Lille correspondance

«Ils l'ont tué comme un chien et demain ils seront à nouveau dans la rue pour exercer.» Ecoeurée, Virginie Houzet ne comprend pas ce qui a pu motiver le tribunal à ordonner des condamnations aussi légères et des relaxes dans le dossier du décès de son mari, Sydney Manoka, un boxeur d'origine zaïroise mort à 27 ans lors d'une intervention policière musclée en novembre 1998 à Tourcoing. Alors que le parquet avait dénoncé à l'audience, le 25 avril, «cette scène pleine de négligences et d'erreurs qui ne grandit pas la police nationale», le tribunal correctionnel de Lille a relaxé hier trois policiers, condamné deux autres à une peine symbolique de sept mois de prison avec sursis pour «homicide involontaire». Et il a rejeté les poursuites pour «non-assistance à personne en danger». Le parquet avait requis contre les cinq fonctionnaires des peines supérieures, allant de dix à douze mois avec sursis.

Le tribunal n'a pas lésiné en revanche sur le montant des dommages et intérêts aux parties civiles: 850 000 francs au total, et 1 franc symbolique pour la Ligue des droits de l'homme. SOS-Racisme, qui avait réclamé le renvoi en cour d'assises, a été débouté.

Cris. «Vous avez assassiné mon fils pour me donner 40 000 francs», a accusé la mère de Sydney, venue spécialement du Zaïre. Cette réaction à l'énoncé du jugement lui a valu d'être expulsée de la salle d'audience par les forces de l'ordre. Une tante du jeune homme, révoltée, a insulté les juges, elle a été interpellée pendant l'audience, et devrait comparaître pour «outrages à magistrat».

«J'avoue mon incompréhension totale face aux peines», s'insurge Florent Schulz, l'avocat de la veuve, en annonçant qu'il allait faire appel. Pour la Ligue des droits de l'homme, maître Pascal Cobert dit constater régulièrement que «des peines presque similaires sont prononcées dans des affaires d'outrages et de rébellion à agent. Or, ici il s'agit d'homicide. On ne peut qu'être choqué. C'est une porte ouverte aux excès dans les pratiques policières». Pour Samuel Thomas, de SOS-Racisme, «c'est tout notre travail auprès des jeunes dans les quartiers qui est sapé. Nous leur disons: "Ayez confiance en la justice", mais, face à ces sanctions minimes, on n'a plus d'arguments à faire valoir».

Inanimé en cellule. La famille de Sydney Manoka regrette que le procès n'ait pas permis d'éclaircir davantage les circonstances de cette interpellation mouvementée. Alors qu'il circulait en rollers, Sydney Manoka avait été pris en chasse par plusieurs brigades après avoir heurté le rétroviseur d'une voiture appartenant à un retraité de la police. Il avait été plaqué au sol et maintenu au niveau du thorax, du fessier et des jambes. Menottés aux pieds et aux mains, il avait été transporté inanimé au commissariat de Tourcoing et placé en cellule alors qu'il était complètement inerte. L'autopsie a conclu à une mort d'hypercompression thoracique ayant entraîné un processus d'asphyxie du cerveau.

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